25 voire 30 nœuds, le vent est monté d’un cran et la flotte a pris un drôle de coup de pied aux fesses. Et comme tout bon Ministe doit savoir glisser sans mollir, les hommes de tête affichent des vitesses supérieures à dix nœuds. Mais sur une mer confuse, difficile d’éviter les étraves qui plantent dans la vague précédente, le tableau arrière qui se dérobe, les safrans qui décrochent et le départ au tapis. A ce petit jeu, certains ont plus de chance ou de maitrise que d’autres, c’est selon… Ainsi Nicolas Boidevezi a brisé son bout-dehors en trois morceaux. L’espar de carbone est pour l’heure irréparable et le skipper de GDE doit naviguer sans pouvoir établir correctement son spinnaker. C’est bien évidemment une déception pour celui qui, fort de sa septième place dans la Transat 6,50 de 2009, partait avec l’ambition de titiller le podium. Pour l’heure, le terrain perdu n’est pas rédhibitoire, mais la punition risque d’être autrement plus sévère si le vent vient à mollir tout en restant portant. Mais peut-être qu’entre temps, Nicolas aura trouvé une réparation de fortune. Le génie inventif des solitaires est inépuisable…
Pour Pierre Denjean (Oufti), même les plus subtiles des trouvailles ne suffiront pas à lui permettre de rejoindre les Açores. A 800 milles des Açores et moins d’une centaine des côtes de Galice, le sens marin le plus évident exige de se rendre à l’évidence. Il va tenter de rejoindre Bayona à l’ouvert de la ria de Vigo. Nul doute que dans les fauteuils capitonnés du Real Nautico Club de Bayona, l’un des plus huppés de la côte espagnole, le navigateur devrait ressentir les affres du décalage entre une certaine idée du « yachting » et la bande de furieux en route vers l’archipel portugais. Pierre naviguait sous spi quand il a entendu un craquement dans le mât avant de voir son espar se briser en deux. La déception est d’autant plus grande que comme nombre de ses condisciples, il était parti sur cette course avec trois francs, six sous en espérant arriver à bon port sans encombre. D’autres concurrents ont frôlé parfois la correctionnelle : Sébastien Picault (Kickers) au sortir d’un surf vertigineux a planté son étrave, projetant le skipper contre la descente. Bilan : une douleur aux côtes qui préjugerait bien d’une fêlure à tout le moins. Mais « Pic » est un dur au mal et n’a pas molli l’allure pour autant. Véronique Loisel a elle aussi quelques soucis de pilote. Malgré tout, elle se maintient à une très honorable septième place dans des conditions qui ne sont pas forcément les meilleures pour son bateau.
En série la route de Xavier Macaire (Starter) a inspiré d’autres navigateurs. Jean-Marc Allaire (Baker Tilly AG2R La Mondiale), Amaury François (amauryfrancois.com) comme Ysbrand Endt (Médiabrein) ont choisi une route très sud, même si le concurrent le plus au nord Bruno Simonnet (El Nono) continue d’opposer une vive résistance en se maintenant dans les cinq premiers. Enfin, Thomas Normand (Financière de l’Echiquier) est reparti de La Corogne après un peu plus de vingt-quatre heures d’escale. Ayant envisagé un temps de remplacer sa pile à combustible par un groupe électrogène, il a finalement décidé de la changer. Avec plus de 300 milles de retard sur la tête de flotte, Thomas ne peut pas espérer de miracle. Mais son objectif était aussi d’engranger des milles et de l’expérience du large en vue de la Transat 6,50 de 2011. Naviguer en queue de flotte, loin des concurrents potentiels n’est pas forcément l’exercice le plus plaisant. Mais c’est une excellente école de caractère. Une fois cette épreuve digérée, nul doute que Thomas n’en reviendra que plus fort…