Après les heures de glisse, les duos se sont armés de patience pour leur deuxième nuit de mer. La pétole s'est installée sur l'ensemble de la flotte et, du nord au sud, chacun s'efforce de guetter le moindre souffle d'air. Voiles battantes, risées éparses, et gamberge sur les choix stratégiques sont au menu à bord de tous les bateaux. C'est le moment où il faut savoir se montrer fataliste : quand le voilier avance à moins de deux noeuds, il ne peut plus être question de recalage stratégique. Il faut tout simplement attendre, espérer que l'option prise dès le départ va porter ses fruits. Pour tuer le temps, on consulte les fichiers météo, on essaye d'emmagasiner du sommeil. Paradoxalement, les navigateurs reconnaissent avoir plutôt du mal à dormir. La faute à ce vent aux abonnés absents qui fait battre les voiles et souffrir le gréement. Et puis, difficile de s'adonner au farniente, quand on sait que la moindre risée que l'on aura manquée peut parfois se traduire en milles perdus et en heures de course. Alors, on veille sur le pont, on attend avec impatience le prochain classement en espérant secrètement qu'il ne révélera pas qu'un concurrent s'est soudainement échappé... Les premières risées sont vécues comme un soulagement, une libération. Et qui sait si dans deux ou trois jours, quand le bateau gîté en permanence jouera les perce-vagues, certains ne vont pas commencer par regretter le temps béni de la pétole et du bateau à plat ?