Le futur carburant sera deux fois plus «bio». Il contiendra seulement 90 % d'essence et 10 % d'éthanol, cet alcool issu de la distillation de betteraves ou de céréales, qui constitue une énergie totalement renouvelable. Il sera aussi moins cher. Mais seulement «60 % des véhicules» pourront l'utiliser, affirme un responsable de l'Union française des industries pétrolières (Ufip), l'organisation professionnelle qui regroupe les pétroliers, «en grande partie ceux mis en circulation depuis l'an 2000».
Doubler ainsi la proportion de carburant renouvelable dans l'essence permet à la France de se rapprocher des normes fixées par Bruxelles. Et de prendre quelques années d'avance sur l'Union européenne, qui veut porter à 10 % en 2020 la part des énergies renouvelables dans le transport. Dans l'Hexagone, les carburants sont déjà composés en moyenne de 5,75 % de biocarburants. Ils devront contenir 7 % d'éthanol (ou d'huile dans le cas du gazole) d'ici à 2010 et 10 % d'ici à 2015.
L'objectif est double : accroître notre indépendance énergétique et se comporter en bon citoyen écologique en luttant contre l'effet de serre. Le secteur du transport, principal utilisateur du pétrole, est le premier émetteur de gaz carbonique. Avions, voitures, camions rejettent un tiers du CO2 émis en Europe. Pis, leur part de pollution devrait augmenter beaucoup plus que pour les autres activités si rien n'est fait d'ici à une dizaine d'années.
Face à ce risque, l'Europe et la France ont pris le parti des biocarburants. Issus du blé, du maïs ou de la betterave à sucre, ceux-ci sont décriés par les défenseurs de l'environnement qui les accusent de cannibaliser les terres propres aux cultures alimentaires. Mais leur avantage est de réduire de manière significative l'empreinte carbone. Sur l'ensemble de la chaîne de production, si l'on prend en compte l'absorption de CO2 par les plantes utilisées (betteraves, blé), les émissions de gaz carbonique des biocarburants sont inférieures de 60 % à celles de l'essence, affirment certains experts. Toutefois, le coût de revient de l'éthanol est bien supérieur à celui de l'essence depuis que le pétrole a retrouvé un prix raisonnable.
Pour promouvoir les carburants «verts», le gouvernement est donc obligé de brandir la carotte, pour les automobilistes, et le bâton, pour les distributeurs. L'éthanol contenu dans le carburant est partiellement exonéré de la taxe intérieure de consommation, l'ex-Tipp. En 2009, cette défiscalisation s'élève à 21 centimes par litre. «Ce qui rend le bioéthanol compétitif par rapport à l'essence», souligne Alain Jeanroy, directeur général de la Confédération générale des betteraviers (CGB). À condition toutefois que le prix du pétrole ne descende pas sous les 70 euros.
Proposé à un prix compétitif
En même temps, une pénalité redoutable guette les distributeurs qui n'atteignent pas les seuils fixés pour les biocarburants. Si en 2010, la part de biocarburant contenue dans le total des carburants vendus est loin des 7 % exigés, une amende de plusieurs centimes d'euros par litre leur sera infligée au titre de la taxe sur les activités polluantes (TGAP). Ce montant est loin d'être négligeable : très peu de distributeurs affichent une marge nette supérieure à 1 centime d'euro par litre de carburant vendu.
Groupes pétroliers et grandes surfaces se mobilisent donc pour le nouveau sans plomb. Au moins 75 % des stations-service le proposeront d'ici à la fin de l'année, ont annoncé les responsables de l'Ufip. D'ici là, il faut organiser l'alimentation des dépôts, un processus assez complexe, car l'éthanol n'est pas autorisé à transiter dans les pipelines. Chez Leclerc, 90 % des dépôts seront équipés en avril. À charge ensuite pour chacune des 500 stations-service du groupe d'hypermarchés de se mettre en ordre de bataille, en modifiant notamment l'affichage de ses pompes.
Reste à effectuer également le choix, délicat, du prix de vente du nouveau carburant. Les consommateurs ont beau afficher de plus en plus leur préférence pour les produits qui sont de plus en plus écologiques, le prix demeure un argument décisif. Les distributeurs sont donc écartelés entre leur désir de préserver leur marge et la nécessité d'assurer le succès du SP95-E10, pour atteindre les objectifs fixés par le gouvernement. Le prix du nouveau sans-plomb devra «être compétitif pour s'imposer sur le marché, c'est-à-dire être peu moins cher que le sans-plomb standard», affirment Jean-Louis Schilansky, délégué général de l'Ufip et Alain Jeanroy. «Nous prévoyons une baisse de tarif d'un à trois centimes par litre par rapport au SP95», annonce Thierry Forien, directeur adjoint de Siplec, filiale du groupe Leclerc. «C'est la réduction de prix qui s'imposera sur le marché aux cours actuels du pétrole», confirme un responsable de l'Union des importateurs indépendants pétroliers (UIP).
Selon le site EthanolE85, le sans-plomb 95 valait en moyenne 1,16 euro vendredi. Ce qui signifie que le nouveau carburant pourrait être vendu entre 1,13 et 1,15 euro. Cette baisse de prix sera-t-elle suffisante pour changer les habitudes des automobilistes ? Réponse dans quelques mois.