Octobre avait été le mois de tous les dangers sur les marchés financiers, le CAC 40 subissant des variations quotidiennes qui dépassaient régulièrement les 10 %. Face à ces turbulences, les épargnants se sont portés vers le produit financier le plus sûr (il est entièrement garanti par l'Etat), le plus liquide (il est disponible à tout instant) et quasiment le mieux rémunéré (à 4 % net d'impôt, le taux de rémunération dépasse la plupart des contrats d'assurance-vie en euros).
Conséquence : l'encours des Livrets A et bleu a augmenté de 20,6 milliards en un an (+ 15 %). Soit l'équivalent de 300 euros par Français ou du PIB de la Slovaquie ! Il atteint au total 156,9 milliards d'euros, dont 76,8 pour les Caisses d'Epargne, 56 pour La Banque Postale et 24,1 pour le Crédit Mutuel. Les trois banques « historiques » ont su en profiter en lançant des campagnes commerciales agressives avant de perdre l'exclusivité de la distribution. A partir du 1er janvier, toutes les banques seront en effet habilitées à proposer des Livrets A.
A la fin du mois d'octobre, les Caisses d'Epargne avaient ouvert quelque 944.000 livrets (chiffres bruts) pour une collecte de 7,17 milliards d'euros. La Banque Postale a vendu de son côté 780.000 Livrets A depuis le début de l'année. Alors que l'établissement ouvrait traditionnellement 35.000 livrets par mois, il est passé en début d'année à 50.000 ouvertures, puis, au cours des derniers mois, à plus de 200.000 créations mensuelles ! « Et la tendance sur novembre reste tout aussi dynamique », reconnaissent les deux détenteurs actuels du monopole de la distribution.
L'année prochaine s'annonce évidemment moins favorable pour ces deux établissements. Le Crédit Agricole, BNP Paribas, la Société Générale, les Banques Populaires, notamment, proposent depuis plusieurs semaines des préréservations de Livret A à leurs clients, souvent en offrant des taux promotionnels. Plusieurs banques seraient ainsi en passe de franchir le cap du million de préréservations. De nombreux transferts devraient donc s'opérer dès le début de 2009.
Reste à savoir si la baisse du taux de rémunération, qui devrait s'établir dès le mois de février entre 2 % et 2,5 % (lire ci-dessous), ne freinera pas l'appétit des ménages pour les produits d'épargne liquide. De nombreux spécialistes de secteur ne le pensent pas. Après la crise survenue en 2002, il avait fallu attendre pas moins de trois ans avant que les épargnants reviennent vers des produits risqués, rappellent-ils. Compte tenu de l'ampleur de la crise actuelle, la méfiance pour les marchés d'actions pourrait être aussi durable.