˗ Bonjour ! Elle est malade et puis…, sa tante Josie nous a quittés… Et puis tu sais ces gens-là, les polonais, les slaves, il y a beaucoup de pudeur face à l'oubli, face à la solitude, face à la mort…
˗ Je ne sais pas si ceux qui nous quittent, comme on dit, nous quittent vraiment…
˗ La tante Josie, je ne la connaissais pas, pourtant je l'appréciais… L'image qui me restera à jamais d'elle, c'est le petit détour dans sa chambre qu'elle faisait à chaque fois qu'on allait la voir à sa maison de Varangéville… Et c'était le passage obligé pour ma femme, à chaque fois qu'on rendait visite à ma belle-mère à Varan… Je ne saurai
jamais, ce qu'elle pouvait bien donner à Catherine, ce dont je suis sûr c'est qu'elle donnait… un peu d'elle-même… Parce que ces gens-là, les polonais, les slaves, il y a
beaucoup de pudeur face à l'oubli, face à la solitude, face à la mort…˗ C'est vrai, on est comme ça chez nous… Pas comme chez les latins, les italiens ou tout
est prétexte à l'exubérance et au paraître, même la mort… Au fait ton histoire de jeunesse?
˗ C'est l'histoire de tante Josie, l'histoire de Dom, l'histoire de la vie et de l'histoire de ma plume qui renaît de la mort…
˗ Je sais tes envolées lyriques, ton oraison funèbre à Claudine "Comme l'oiseau d'Amour, tu t'es loin envolée…" ou à Dom "Quel combat, quel exemple, de courage, de mystère, une
colombe s'envole, un soleil s'est couché, étoilant notre ciel de la Paix retrouvée…"
˗ Mon histoire d'aujourd'hui, elle est simple comme la vie, comme la mort, comme ces mots que l'on jette au détour de sa plume, pour marquer son amour du plaisir d'être ensemble…
˗ C'est bien triste tout ça, mais pourquoi tant de larmes, quand ces gens-là vous quittent sans les avoir aimés?
˗ Tu as l'être, le paraître et le semblant de l'être… Tu veux que je te dise?
˗ Non, mais… tu vas me le dire…
˗ Un de mes plus anciens aphorismes dont je me souvienne " la mort, c'est le souffle de l'air qui s'envole du mot vie…" C'était l'hiver 53-54. Je devais avoir sept ans et demi…
J'étais privé de grand-père et de grand-mère pour des histoires de père et de mère… Mon père était aussi privé de père, de mère, et de grand-mère…
˗ Comme chez moi! Les histoires de famille tu sais, y'en a partout…
˗ Tout ce que je sais, c'est que je ne le saurai jamais… Toutes celles et tous ceux qui auraient pu me le dire sont partis pour la vie… Je n'avais vu qu'une seule fois, ma grand-mère Marie, un matin de misère, quelques années plus tôt… C'était la mère de mon grand-père ou de ma grand-mère, je ne sais plus trop… Cette petite vieille "sorcière" de
plus de 90 ans, avait les cheveux qui descendaient jusqu' à terre! Elle parlait cru, elle parlait terre à terre… Il ne fallait pas qu'on sache… Les enfants n'ont pas à savoir, ni
le monde des grands, ni le monde des vivants, ni le monde de la mort, ni le monde des croquants, ni le monde des croque -morts…
˗ Et tu as pris ta plume, comme hier, comme aujourd'hui, comme demain?
˗ J'ai eu cette chance, de pouvoir guérir de mes "maux" au travers des mots… Et que la pire des morts, c'est l'indifférence ou l'oubli qu'on fait subir à ceux qui ont encore un
souffle de vie… On m'avait privé de grand-père, on m'avait privé de grand-mère, mais on ne pouvait pas me priver de savoir que ma grand-mère Marie était partie… On n'avait pas
pu m'empêcher de penser, m'empêcher d'écrire, " la mort, c'est le souffle de l'air qui s'envole du mot vie…"
˗ Tu étais bien triste ce matin… A demain…
˗ A demain, mais n'oublie pas, " la mort, c'est le souffle de l'air qui s'envole du mot vie…"
˗ Et comme disait Clemenceau "La vie est une oeuvre d'art… Pour mes obsèques, je ne veux que le strict nécessaire, c'est-à-dire moi." »
21 janvier 2013 René Dubois