Pour sa première participation à la Route du Rhum-Destination Guadeloupe, François Gabart a brillé, comme il a brillé sur son premier tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance. C’est à croire que les grandes premières lui réussissent. Sur la 10e Route du Rhum – Destination Guadeloupe, le skipper de MACIF a une fois de plus démontré qu’il maîtrisait parfaitement l’exercice de la course au large en IMOCA. Alors qu’il avait finalement peu navigué sur MACIF depuis la Transat Jacques Vabre 2013 (abandon pour démâtage), le marin de 31 ans, à bord d’un bateau qui a évolué pour rentrer dans la nouvelle jauge, a toujours été plus rapide que ses concurrents, poussé dans ses retranchements par un Jérémie Beyou (Maître Coq) combatif.
François Gabart, formé à la rigueur de l’olympisme et à l’exigence du circuit Figaro Bénéteau, navigue en maître… des entraînements à Port-La-Forêt, à la régate océanique. Le charentais survole la flotte, affiche une vitesse surprenante, règle ses voiles au poil près, barre avec talent et gère parfaitement sa course… Dès la ligne de départ à Saint-Malo, MACIF donne le ton. Il est devant, les autres vont devoir s’accrocher ! Ils sont quatre favoris, quatre IMOCA capables de remporter le graal : MACIF, PRB, Safran et Maître Coq. Dans la baston du début de course, François Gabart prend les devants poursuivit par Vincent Riou (PRB) 7 milles derrière, pile dans sa trajectoire. Mais le duel s’arrête rapidement. Le 3 novembre, Vincent décroche pour une avarie grave : la cloison structurelle, support de la barre d’écoute de grand-voile, se décolle, le ballast se vide dans le bateau, PRB doit rentrer à Port-La-Forêt. François perd un redoutable concurrent mais la régate bat son plein en approche de l’archipel des Açores : Maître Coq (Jérémie Beyou) et Safran (Marc Guillemot) sont bien dans le match. C’est tout ce que le skipper de MACIF est venu chercher : la bagarre !
Au sud de l’archipel des Açores, Jérémie Beyou devient dangereux, alors que Marc Guillemot décroche pénalisé par de multiples avaries. Des avaries, tous en connaissent, mais seul François tait ses tracas : « Tout va bien à bord de MACIF ! ». Un œil dans le rétroviseur, le pied sur l’accélérateur, François Gabart aime le jeu de la régate. Le 12 novembre, 800 milles avant la ligne d’arrivée, dans des alizés capricieux, MACIF creuse l’écart et parvient à distancer Maître Coq de 100 milles. Une course parfaite pour une dernière en IMOCA ! François va désormais s’attaquer aux records en solitaire sur son nouveau maxi trimaran.
François Gabart, à son arrivée au ponton de Pointe-à-Pitre :
« C’est énorme, c’est la Route du Rhum, ce n’est pas rien, je me suis donné comme jamais. Je suis content du résultat et de la façon dont j’y suis arrivé. Le projet a été lancé il y a quatre ans, j’ai fait un tour du monde et aujourd’hui, je ne pouvais pas finir mieux avec mon Imoca Macif. Je savais que c’était la fin d’une partie de ma vie avec lui, on a vécu de belles choses. Je voulais vivre une Route du Rhum avec les mêmes émotions que sur le Vendée Globe. Je me suis régalé, c’est de la superbe course au large en solitaire. J’ai appris encore.
Les temps changent, les temps passent, je ne sais pas si cela a un intérêt de comparer les temps de traversée. Mais c’est vrai que si on m’avait dit ça il y a quatre ans, je ne l’aurais pas cru. Ce n’est pas parce que tu es en tête que c’est facile, au contraire. Je me suis battu pour mener la course de bout en bout. C’est très personnel, ce n’est pas vis-à-vis de la concurrence, mais je me suis mis la barre très haut, j’avais un haut niveau d‘exigence. Quand Vincent (Riou – PRB) est parti, j’aurais dû être content, mais j’étais déçu car je savais qu’on allait faire une belle bagarre, aux entraînements, on se tirait la bourre. Je n’ai pas réfléchi dix secondes que déjà Jérémie était derrière moi. J’ai juste créé la distance il y a trois jours ; peut-être parce que j’étais plus en confiance avec le bateau. J’ai eu un feeling et des sensations géniales, j’étais bien. J’arrivais à sentir à la barre le bon matossage d’une voile ou une algue dans le safran. Je sentais quand il fallait attaquer.
J’ai beaucoup barré depuis les Açores, plus que la moitié du parcours. Je voulais aller vite. J’ai perdu mon spi aux Acores, juste après le passage du front. Donc je n’avais plus le choix, il fallait que je sois plus rapide que Jérémie, car je savais qu’à la fin ça allait être poussif. Sur le dernier bord, je savourais, je pensais à la suite. A la fois c’est triste de quitter le bateau, mais dans quatre ans je reviens en multi ! »
Jérémie Beyou : au bout de l’effort
Le triple vainqueur de La Solitaire du Figaro-Eric Bompard cachemire partait de Saint-Malo avec une double intention : celle d’arriver de l’autre côté et de terminer sur le podium. Contraint à l’abandon dès les premiers jours sur l’édition 2006, cette Route du Rhum-Destination Guadeloupe 2014 était presque une première pour lui. Surfant sur la vague de son triple sacre sur la plus dure des courses en Figaro Bénéteau, le skipper de Maître Coq partait grand favori de l’épreuve aux côté de François Gabart (MACIF), Vincent Riou (PRB) et Marc Guillemot (Safran).
Dans le match dès le cap Fréhel qu’il double en troisième position, Jérémie navigue dans le groupe des quatre mousquetaires, dans le sillage des deux leaders : MACIF et PRB. Alors que ce dernier est contraint à l’abandon au début de la descente du Golfe de Gascogne, Jérémie prend la deuxième place. Il ne la lâchera plus. Commence alors un duel qui durera tout le reste du parcours, soit plus de 2 000 milles. Du marquage à la culotte, façon course de Figariste !
Dans la baston des trois premiers jours de course, les bateaux sont mis à mal et Jérémie connaît plusieurs avaries. Il perd une de ses voiles d’avant et dépense beaucoup d’énergie à réparer, notamment à se hisser sur son étai pour libérer la voile. Dur au mal, consciencieux, Jérémie est également plus fort dans l’adversité et parvient malgré tout à recoller au tableau arrière de François Gabart. Au sud de l’archipel des Açores, il revient à 8 milles du leader ! Le tempo entre les deux solitaires monte d’un cran : la transatlantique devient une course de vitesse. Les marins ne lâchent rien, barrent beaucoup et passent la majeure partie du temps sur le pont à régler les voiles et à définir la meilleure trajectoire. Jusqu’à 700 milles de l’arrivée, François Gabart s’est senti menacé par un Jérémie Beyou diablement accrocheur. Le skipper de Maître Coq réalise une superbe course !
Jérémie Beyou à son arrivée au ponton à Pointe-à-Pitre :
« Toute l’équipe avait bien bossé sur le bateau, sur moi aussi pour me remettre d’aplomb. Vu la saison que j’ai faite avant, c’est vraiment une belle deuxième place. Ce n’est pas facile d’enchaîner une solitaire et une Route du Rhum. Le challenge me plaisait bien et je suis convaincu que c’est une de mes armes, que de multiplier les supports et de doubler avec le Figaro ça me donne une capacité supplémentaire. Quand c’est dur, j’y vais sans retenue. C’est toujours bon de se frotter à d’autres concurrents, ce n’est que du 100% IMOCA. Ca permet d’acquérir des stratégies, j’ai des repères, des analyses, savoir à quel angle et à quelle pression je dois virer. Ce sont des gammes que je répète. Le problème, c’est qui si tu fais une Route du Rhum tous les quatre ans, c’est dur de répéter des gammes, alors que 4 étapes de la Solitaire du Figaro par an, tu peux. C’est une de mes forces, maintenant c’est sûr qu’il faut être capable de se remotiver et de se remettre d’aplomb derrière. C’était dur ce Rhum. Les meilleurs moments, il n’y en a pas ! J’en ai plein les bottes. Les meilleur moment, c’est sans doute le classement et quand tu fais une bonne trajectoire. Il y a un delta de vitesse avec François (Gabart) qu’on connaît et qu’on va essayer de faire progresser. Les deux prochaines années, on ne pensera qu’au Vendée Globe. »