Ils ont dit
Le mano a mano… a mano se poursuit entre Alex Thomson (HUGO BOSS), toujours leader, Thomas Ruyant (LinkedOut) et Charlie Dalin (Apivia). Désormais, après 12 jours pleins de course, le trio est sous la latitude de Salvador de Bahia, où Charlie Dalin s’est imposé il y a pile un an avec Yann Eliès lors de la Transat Jacques Vabre.
A 50 milles environ du leader, légèrement en retrait d’Alex Thomson, décalé de 60 milles dans son Ouest, et de Thomas Ruyant, 40 milles dans son Est, le Havrais semble préserver une position d’attente. Entre HUGO BOSS et LinkedOut perdure un écart de 12,9 milles (au classement de 18h00), dont la portée est à pondérer puisque les classements sont établis sur un waypoint glissant, outil utilisé par la direction de course pour permettre une lecture la plus juste possible du contournement de l’anticyclone de Sainte-Hélène (explications ici).
Les trois ont creusé l’écart, puisque Jean le Cam (Yes We Cam!) émarge à 240,7 milles, au classement de 18 heures. Longtemps leader de ce Vendée Globe, le premier de cordée des IMOCA à dérives droites est l’homme le plus à l’Est du Top 10, mais il a vu débouler dans son Ouest Louis Burton qui, aux allures portantes, exploite le plein potentiel de son Bureau Vallée 2, le bateau sur lequel Armel Le Cléac’h s’est imposé il y a quatre ans (252,9 milles de retard sur le leader) et, Kevin Escoffier (PRB), pointé à 261,9 milles.
ILS REMETTENT DE LA GOMME
Patiemment, Sébastien Simon (ARKEA PAPREC) a construit son plein retour aux affaires. Le skipper vendéen a amorcé sa remontée depuis dimanche, 18 heures et ce classement qui le laissait en 15e position. Depuis, en retrouvant sans doute des angles au vent plus favorables à son foiler, et en jouant un coup parfait pour traverser le Pot au noir, le trentenaire a mis dans son dos les IMOCA à dérives droites de Benjamin Dutreux et Damien Seguin. Le voici désormais lancé à la poursuite de Sam Davies (Initiatives-Cœur), Yannick Bestaven (Maître-CoQ IV) et Boris Herrmann (Seaexplorer – Yacht Club de Monaco) qu’il défie par l’Ouest.
L’Occitane en Provence n’est pas encore tout à fait à sa place, après les successions de montées dans le mât d’Armel Tripon, mais le navire noir et or a retrouvé le sens du jeu. A 250 milles dans son Sud, le groupe qui aborde le Pot au noir représente une bonne première cible. Le jackpot n’est pas encore digne d’un Black Friday, parce qu’on a connu des promos sur les alizés plus toniques dans l’Ouest de l’Afrique, mais L’Occitane en Provence a repris sa marche en avant… ou plutôt vers l’Ouest, histoire sans doute d’éviter de prendre le Pot au noir à son endroit le plus large…
Au-dessus de lui, à quelque 180 milles, Fabrice Amedeo (Newrest – Art et Fenêtres) vient de rejoindre le dernier gruppetto. Une bonne chose de faite pour le skipper parisien qui avait dû rebrousser chemin en début de Vendée Globe pour faire effectuer des réparations dans son gréement, avant de repartir le 11 novembre en début de soirée. Enfin, au nord de l’archipel du Cap-Vert, Kojiro Shiraishi (DMG Mori) remontait méticuleusement en place sa grand-voile, avec moult précautions et vérifications. Le skipper japonais devrait retrouver de la vitesse dans la soirée.
Dans l’Atlantique Sud, ce ne seront pas des conditions à record. On a cet anticyclone à contourner, c’est pour cela que nous nous dirigeons vers le Brésil. Ensuite, on a un front à négocier, ça va être une route extrême Sud. Nous allons sûrement aller chercher la zone de glace bien plus tôt que le Cap de Bonne-Espérance. En tout cas, ce ne sera pas une route très directe. Je vis bien le fait d’être seul sur le bateau, je n’ai pas vu le temps passer, mais j’aime bien avoir des infos de la terre, ça m’apaise un peu. Je me permets même le luxe tous les soirs de prendre une douche avant d’aller me coucher, ça me rend un peu plus humain ! J’en profite parce que je ne sais pas si j’aurai l’opportunité de le faire dans le Grand Sud. Je n’ai pas encore trouvé de solution pour mes girouettes.
Sébastien Simon / ARKEA PAPREC
Mon corps me gratte partout, je n’en peux plus de cette chaleur et de ce Pot au noir (rires). Mais sinon je vais bien ! J’essaie de m’extirper de cet endroit. Les premiers ont eu un Pot au noir indolore et inexistant, et là, il est en train de se reconstituer. Je m’extirpe sur la pointe des pieds avant que cela ne se referme. Je suis rentré dedans ce matin véritablement parce que j’ai traversé très vite la première partie. Je pensais que j’allais passer sans frémir, et depuis trois heures, c’est orages et grains. Je me suis fait arrêter, il n’y a plus de vent. Je devrais souffrir une vingtaine d’heures encore. Ce n’est pas un Pot au noir comme d’habitude. J’avais un ciel très clair au début et d’un seul coup en début de nuit, j’ai vu des masses nuageuses sur mon radar. Il y eu des éclairs, des pluies diluviennes très intenses, un front de rafales en avant d’un nuage. Il est difficile de s’y retrouver là-dedans ! C’est une chape de plomb, il faut être patient et malin !
Il y a un joli feu d’artifice derrière le bateau en ce moment… Je croise les doigts. Il ne faut pas lâcher prise car cela peut coûter cher, il faut sans arrêt ajuster le cap, régler le bateau, changer les voiles pour s’adapter. Je roule, je déroule, je lofe, j’abats, je choque, je borde ! La porte de sortie est au Sud, ça c’est la règle. En tout cas, je suis très heureux d’être sur ce Vendée Globe, c’est vraiment maintenant que je réalise pleinement que je pars autour du monde. Il y a eu des passages à niveau systématiquement favorables aux bateaux de tête. Je subis un peu depuis le début. C’est un peu frustrant mais je me dis que chacun a des moments favorables. Il faut rester patient.
Stéphane Le Diraison / Time for Oceans
Hier et ce matin, j’ai eu jusqu’à 30-32 nœuds dans les rafales, une mer pas rangée du tout, donc c’est hyper dur de régler le pilote, c’est stressant même. Je suis passé à deux ris-J2, j’y suis allé piano. Maintenant, j’ai renvoyé un ris, le vent a un peu baissé d’un cran. Et ça va vite ! Je suis content malgré mes petits soucis. Mon objectif, c’est de rentrer dans le Sud en connaissant mieux mon bateau. Il y a plein de choses qui ne marchent pas comme je pensais. Mais je commence à y voir plus clair maintenant. Ça me stabilise l’esprit, ça me tranquillise. Je viens de me faire ma tisane de la nuit, j’ai fait le ménage, le bateau est propre. Tout va pour le mieux ! J’ai suffisamment d’énergie à bord, mes hydrogénérateurs marchent bien, et je passe beaucoup de temps à regarder la météo.
Je n’ai pas regardé les classements depuis cinq jours, et tout à l’heure, j’ai regardé. Les autres ne sont pas si loin, c’est positif, ça me donne de l’énergie ! Malgré tout ce qui s’est passé pour moi depuis le début, je ne suis pas si mal. Il y a trois jours, j’ai plongé sous le bateau pour enlever un filet, je n’ai pas fait le fier ! Je suis bien dans ma tronche, c’est plutôt positif ! J’ai encore quelques trucs à voir, mais j’inspecte tous les jours, je bricole, je visualise mes check-lists, je fais super gaffe à mon moteur, je ne laisse pas traîner les petits choses.
Clément Giraud / Compagnie du Lit - Jiliti
Je vais bien même si j’avoue être un peu fatigué car les premiers onze jours ont été intenses et le fait d’avoir attendu des mois pour pouvoir repartir, c’est aussi dur sur le plan psychologique. Mais je suis content car tout se passe bien et le bateau avance parfaitement.
Ce départ a été un peu brusque puisque car je n’ai pas eu l’occasion de beaucoup naviguer cette année, j’ai juste effectué la qualification et le convoyage jusqu’aux Sables d’Olonne. Cette première semaine de course était soutenue car la météo était très variable, mais je donne tout. Je suis surpris car je n’ai pas dû utiliser la boîte à outils pour l’instant. Je prévois de monter au mât et de faire une inspection générale après le Pot au noir. Après, la route est longue et c’est impossible de ne rien casser mais bon, moins j’ai à réparer, mieux je me porte !
Je passe beaucoup de temps sur les fichiers météo car c’est important en solitaire de ne pas faire d’effort inutile. Je veux trouver les trajectoires les plus simples, je pense que le fait de connaître la région et mon bateau m’aident beaucoup. J’avais quelques doutes après le chantier car on a enlevé beaucoup de poids au bateau, mais finalement c’est très bien, ça se sent au portant, le bateau avance mieux. L’objectif des prochains jours est de trouver comment passer le Pot au noir de la manière la plus simple possible. C’est compliqué de savoir cela dans cette zone, mais j’espère le passer rapidement !
Le classement
1. Alex Thomson (HUGO BOSS) à 20 523,7 milles de l’arrivée
2. Thomas Ruyant (LinkedOut) à 12,91 milles du leader
3. .Charlie Dalin (Apivia) à 50,46 milles du leader
4. Jean Le Cam (Yes We Cam!) à 240,72 milles du leader
5. Louis Burton (Bureau Vallée 2) à 252,94 milles du leader