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Régater, à fond, c’est ce à quoi s’adonnent Armel Le Cléac’h et François Gabart



Par 56 degrés sud, deux bateaux bleus galopent sur un bord en direction du cap Horn qu’ils devraient doubler le 1er janvier au soir. Prochaine difficulté : la présence de glaces sur leur route, au sud et à l’est de la Terre de Feu. Derrière les leaders, autant de couleurs que d’humeurs dans un Grand Sud toujours fascinant … et éreintant.


Nuits grises
« Les navigateurs disent souvent qu’on est ici dans le ‘Pays de l’Ombre’, mais dans chaque gris, il y a toujours des lumières qui ressortent. Et pendant ces nuits courtes, il ne fait jamais vraiment nuit » nous disait Arnaud Boissières aujourd’hui. C’est Titouan Lamazou, le premier vainqueur du Vendée Globe, qui avait surnommé ainsi le Grand Sud pour décrire l’absence de luminosité régnant dans les latitudes australes. Depuis un mois, dans ces contrées inamicales bordant l’antarctique, les solitaires ont droit à toutes les nuances de gris. Mais pas seulement. En ce 50e jour de course, par exemple, une palette de couleurs s’étalait comme un lavis sur les 5000 milles sillonnés par la flotte.


Du gris blanc, presque opaque, pour les skippers d’AKENA Vérandas et de Cheminées Poujoulat progressant dans une vraie purée de pois. Du bleu éclatant sur la carte postale aux airs de croisière dans les alizés envoyée par Dominique Wavre (Mirabaud). Du soleil et des crêtes blanches sur les vidéos étonnantes du croisement entre Banque Populaire et MACIF à 800 milles du cap Horn. Le rouge et le noir, enfin, d’un coucher de soleil flamboyant immortalisé dans le sillage d’Initiatives-cœur. Des couleurs contrastées comme autant d’humeurs chez des marins qui ne disent pas toujours tout de leurs déboires dans les mers du sud…


Le blues de Bernard
A bord de Cheminées Poujoulat qui fend un épais brouillard à 19 nœuds de moyenne, Bernard Stamm n’y voit qu’à 200 mètres à la ronde. Mais question énergie, avec ses deux hydrogénérateurs à nouveau en état de marche, sa visibilité est passé bien au delà des deux heures que lui laissaient ses batteries lorsqu’il était en escale technique. C’est ce qu’expliquait le marin suisse, plein d’émotion, à la vacation du jour. « Je n’avais plus qu’un demi-litre d’eau douce … après, tu peux toujours appeler au secours et jeter l’éponge ». Ce n’est pas ce qu’il a fait. Après 50 jours de mer, Bernard, en 10e position, n’aspire qu’à une chose : régater et arrêter le chantier.


Une montagne blanche à Diégo Ramirez
Régater, à fond, c’est ce à quoi s’adonnent Armel Le Cléac’h et François Gabart qui se sont encore passé la main à plusieurs reprises aujourd’hui. Hier, les deux hommes se sont vus, filmés et appelés à la VHF pour discuter quelques minutes, étonnés eux-mêmes d’être toujours aussi proches après tant de jours de navigation. Dans les prochaines 48 heures, leur bras de fer va se transformer en serrage de coudes. Une poignée de gros icebergs a été repérée dans le sud et l’est du cap Horn. L’un d’eux (150 m de haut sur 200 mètres de large) s’est même échoué sur les hauts fonds des îles Diego Ramirez, petit archipel situé 50 milles dans le sud-ouest du cap Horn, et libère au compte goutte un lot de growlers. Armel et François n’auront d’autre choix que de rester en veille, radar et visuelle, pour éviter de percuter un de ces rocs de glace. Il y a fort à parier qu’ils s’avertiront en cas de danger…


François Gabart (FRA, MACIF)

Sur son duel avec Armel Le Cléac’h) C’était rassurant d’être si près d’Armel car jusqu’à présent on était dans des zones éloignées des terres. Être à côté de lui, ça rajoute une information supplémentaire pour savoir si on va vite, quand on fait un bon ou un mauvais coup... Et quelque part ça rajoute une certaine pression. Des moments de fatigue et de mou, on en a un paquet. Ça fait 50 jours qu’on navigue à fond la caisse, c’est normal que sur 24h on soit fatigué et qu’on ait besoin de se reposer. J’ai eu Armel à la VHF hier, c’était assez rigolo d’être à côté. On était tous les deux contents d’être là où on était, en approche du cap Horn. J’ai pris énormément de plaisir à naviguer dans les mers du Sud et je suis content d’arriver sur le cap Horn. On était tous les deux d’accord sur ce point. On a aussi parlé de la pluie et du beau temps, comme dans la vie de tous les jours.


(Sur la vie à bord) On est dans le confort minimum acceptable pour un être humain. J’exagère, mais c’est difficile car on est mouillé en permanence, il y a énormément de mer - ce qui m’a d’ailleurs plus frappé que les vents. Les gestes de la vie quotidienne deviennent compliqués et l’organisme est sollicité à force d’être remué dans tous les sens. Mais me retrouver dans un lit qui ne bouge pas sans bruit autour de moi me ferait bizarre, je ne sais pas si j’arriverais à dormir !




Dimanche 30 Décembre 2012 - 21:12

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