Il y a deux manières de considérer une course par élimination. La première, la plus insidieuse, consiste à observer petit à petit les candidats à la victoire finale se laisser distancer à la faveur d'une option mal négociée, d'une baisse de rythme, de soucis techniques mineurs. La seconde, nettement plus brutale, relève de la casse qui, au mieux vous laisse sur le flanc pendant quelques jours, au pire vous contraint à l'abandon. Après quatre semaines de course, force est de constater que l'écrémage continue. A la lecture des classements, il apparait que pour la majorité des concurrents, un écart de plus de cent milles sur la tête de course constitue une sorte de point de non-retour. Le rythme de la course est si dense, que faire l'effort de revenir dans le match se paye de plus en plus difficilement. Insensiblement, certaines têtes de série ont perdu pied avec la tête de course : on a ainsi vu à la défaveur d'une option mal négociée ou d'une baisse de régime, certains favoris décrocher tels Dee Caffari (Aviva), Brian Thompson (Bahrain Team Pindar) ou bien encore Marc Guillemot (Safran). Dans le groupe des dix, Armel Le Cléac'h (Brit Air) ne semble plus donner la même assurance tranquille depuis qu'il est entré dans les mers du sud : le baptême du feu peut-être… Quant à Jean Le Cam (VM Matériaux) ou Vincent Riou (PRB), les deux navigateurs ne semblent pas tout à fait dans le même tempo que leurs prédécesseurs. Gestion personnelle d'un rythme de navigation ou pause contrainte, les prochaines heures devraient amener des éléments de réponse. Derrière, les écarts continuent de se creuser : Dominique Wavre (Temenos 2) ou bien encore Brian Thompson, décalés d'un système météo ne bénéficient plus des mêmes régimes de vent. Le plus pénalisé par cette distorsion est sans aucun doute Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) qui voit tous ses efforts pour revenir sur la tête de flotte freinés, tout au moins provisoirement.
Vérité d'aujourd'hui, mensonge de demain ?
A bord de Foncia, Michel Desjoyeaux ne semble pas s'émouvoir de ces considérations. Comme un métronome, le navigateur de Port-la-Forêt, continue de mener la cadence sur un rythme constamment plus élevé que les autres. Et bien évidemment, la question que tout le monde se pose est de savoir qui aura, au final, raison. Le Cap Horn sera bien évidemment un premier juge de paix, mais il ne faut pas oublier que la remontée de l'Atlantique Sud est longue et particulièrement éprouvante pour les bateaux et les hommes. Il reste alors encore un tiers de la course à parcourir et les précédentes éditions ont montré que c'est bien souvent là que surviennent de nombreuses avaries qui handicapent parfois gravement la marche du bateau. Des deux côtés, on joue un jeu dangereux : ceux qui lèvent le pied en invoquant la mémoire du matériel ne voient certainement pas d'un très bon œil la cavalcade de certains et prennent le risque de laisser s'échapper définitivement des adversaires. Mais les autres, qui impriment un tempo d'enfer, doivent aussi se souvenir qu'à force de monter vers le soleil, Icare avait fini par se brûler les ailes.
Classement à 5h00 :
1- Jean-Pierre Dick (Paprec-Virbac 2) à 16732,9 milles de l'arrivée
2- Roland Jourdain (Veolia Environnement) à 43,7 milles du premier
3- Sébastien Josse (BT) à 47,7 milles du premier
4- Loïck Peyron (Gitana Eighty) à 62,8 milles du premier
5- Mike Golding (Ecover) à 68,3 milles du premier