Passé l'engourdissement du matin, viennent les premiers gestes qui témoignent du retour dans le monde " réel ". Hier, on s'est lavé, rasé, pour faire bonne figure… Et comme d'habitude, l'opération a en partie effacé quelques uns de stigmates de la fatigue que l'on porte avec soi depuis tant de jours. Il s'agit maintenant de rendre le bateau présentable : on n'effacera pas les traces des quelques avaries, les chandeliers arrachés pour réparer l'axe de safran, les traces de stratification sur le bout dehors… Mais, il ferait beau voir que le bateau n'apparaisse pas parfaitement en ordre. Dans la cabine, tout est rangé comme au premier jour, ou presque : les quelques sacs plastiques où s'entassent, qui le linge sale, qui les déchets non dégradables sont soigneusement rangés dans un compartiment hors de la vue des visiteurs. Sur le pont, les bouts sont lovés, rangés dans leurs sacs respectifs… Un dernier petit déjeuner, un café brulant, rien ne presse, tout est en ordre pour arriver à la marée du soir.
La dernière journée de mer a été bénéfique : on a eu le temps de faire une vraie coupure, de faire un premier bilan… Seuls les intimes ont pu partager ces instants rares. Bientôt ce sera l'heure des premières déclarations où tout ce qui sera dit pourra être pris comme argent comptant. C'est l'heure où l'on est partagé entre une certaine prudence consensuelle et l'envie de dire ce que l'on a vraiment ressenti. La guerre psychologique est terminée, il est temps de passer à autre chose, de savourer. Dans le nord croise un chalutier, indifférent : des gars de l'île d'Yeu, voire de La Turballe, qui sait ? Pour encore quelques heures, on n'est qu'une voile anonyme qui croise d'autres gens de mer, bien loin du tourbillon médiatique qui va nous emporter.
Encore quelques heures et c'est le premier bateau qui vient nous escorter : un point sur l'horizon qui grossit, des appels à la VHF et tout d'un coup, à portée de gaffe, les copains, la famille qui sont là… les premiers mots échangés de vive voix, entre émotion contenue, blagues à cent sous et banalités. On aurait tant de choses à dire au fond, mais parfois les regards ou les signes trahissent, mieux que tout, les sentiments qui se bousculent. Bientôt, ce sera un deuxième bateau, un troisième puis la cohorte des vedettes et des embarcations de tous poils où se presseront des visages plus ou moins familier qui guetteront un geste. Déjà la côte se profile et tout s'accélère, dans le bruit des moteurs, dans le clapot provoqué par les multiples sillages, il s'agit d'avancer proprement de ne pas faire de bêtises. La tension monte… On ne pourra lâcher la bonde qu'une fois la ligne franchie…
Classement à 5h00 :
1- Michel Desjoyeaux (Foncia) à 110,5 milles de l'arrivée
2- Roland Jourdain (Veolia Environnement) à 1293,2 milles du premier
3- Armel Le Cléac'h (Brit Air) à 1683 milles du premier
4- Sam Davies (Roxy) à 2604,7 milles du premier
5- Marc Guillemot (Safran) à 2688,7 milles du premier
6- Brian Thompson (Bahrain Team Pindar) à 2950 milles du premier
7- Dee Caffari (Aviva) à 3181,8 milles du premier
8- Arnaud Boissières (Akena Vérandas) à 3648,4 milles du premier
9- Steve White (Toe in the water) à 4568,2 milles du premier
10- Rich Wilson (Great American III) à 5919,2 milles du premier
11- Raphaël Dinelli (Fondation Océan Vital) à 7238,9 milles du premier
12- Norbert Sedlacek (Nauticsport-Kapsch) à 7371,6 milles du premier
2- Vincent Riou (PRB) - réparation accordée