De plus en plus à l'aise
Le Trinitain était d'ailleurs en pleine forme ce vendredi midi après avoir pu cumuler par tranches plusieurs heures de sommeil. Il faut dire que ces derniers jours ont été particulièrement sollicitant pour Marc Guillemot entre le contournement de l'anticyclone des Açores sous spinnaker, puis un bon coup de vent, une quille qui descend de plusieurs centimètres avant de couler, une navigation sur le fil au portant sans quille… La troisième place du Vendée Globe n'est donc plus une priorité même si elle reste ancrée dans l'esprit : il faut avant tout en finir avec les 300 milles à parcourir jusqu'aux Sables d'Olonne… Et le skipper pensait pouvoir arriver lundi, mais plutôt dans l'après-midi, ce qui ne serait pas suffisant pour coiffer Samantha Davies sur le poteau. En tout cas, Safran semble se comporter très sainement sur une mer qui s'assagit et le navigateur prend de mieux en mieux la mesure du comportement de son bateau. Désormais au près dans une brise de secteur Sud-Est à Est, Marc Guillemot naviguait à plus de sept nœuds et avait retrouvé la confiance pour la suite. La seule incertitude concernait la capacité du monocoque à faire du près sur l'autre amure, en bâbord puisque sa dérive est tronquée sur ce côté-là.
Trio britannique
Et si Samantha Davies n'a plus d'inquiétude à se faire, elle peut aussi regarder dans le rétroviseur ses deux compatriotes qui vont finir au coude à coude : Brian Thompson (Bahrain Team Pindar) et Dee Caffari (Aviva) cravachaient encore ce vendredi en approche d'un golfe de Gascogne bien paisible pour la saison ! Eux aussi devront louvoyer pour atteindre l'arrivée, mais celle-ci devrait pointer sa bouée dès lundi… Au petit matin blafard pour le géant anglais, avec une dizaine d'heures d'écart pour la tour du mondiste. Trois solitaires dans la même journée, ce serait une première depuis la création du Vendée Globe ! Tout comme trois Anglais dans les six premiers… Surtout que derrière pointe encore un autre représentant de sa Gracieuse Majesté : Steve White (Toe in the water) a peu de chance de dépasser Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) mais il n'a pas été si proche depuis bien des semaines ! L'Arcachonnais a du mal à s'extraire d'une dorsale anticyclonique et sa progression en dents-de-scie n'est pas faite pour lui permettre d'attraper le flux de Sud-Ouest qui règne quelques centaines de milles devant son étrave. Alors que le Britannique est toujours dans les alizés, en route pour contourner les hautes pressions par la face Ouest…
La troïka du Sud
Toujours mouvementé, l'Atlantique Sud ! Après la tempête qui a surpris Norbert Sedlacek (Nauticsport-Kapsch), le vent est revenu du secteur Sud… Avant de redevenir variable dès la nuit prochaine, au passage d'une nouvelle perturbation orageuse. Pas de pause encore pour l'Autrichien qui va affronter plus de quarante nœuds contraires ! Du Nord pour le week-end… Heureusement, comme Raphaël Dinelli (Fondation Océan Vital) d'ici deux jours, les alizés seront au rendez-vous au large de Rio de Janeiro. Un flux d'Est soutenu mais enfin régulier. Quant à Rich Wilson (Great American III), il arrive à s'extraire des côtes brésiliennes, au large de Recife. Mais sa route très à terre ne rend pas le vent très coopératif : il a dû virer de bord pour s'écarter, mais une fois la pointe passée (dès la nuit prochaine), la situation va redevenir plus agréable, malheureusement pour deux jours seulement. Il y a ensuite un Pot au Noir à traverser, et plutôt entre le 31° et le 32° Ouest, là où il s'avère le plus étroit et le moins actif. Et quand le trio Marco, Brian, Dee apercevra les plages vendéennes, l'Américain sera passé dans l'hémisphère Nord… Houpi !
Voix du large…
Samantha Davies (Roxy) « Je commence enfin à avancer après une nuit très longue, passée dans un petit parking au large. Il y avait un maximum de 3 à 4 nœuds de vent et c'était assez dur de naviguer. Je devais être sur les réglages en permanence et barrer pour continuer à aller dans le bon sens. Là, je marche à 10,7 nœuds, c'est mon record de vitesse... Je pense que durant la prochaine heure, ça ira mieux. Je devrais arriver vers 2h du matin, qui est, comme on dit : une heure très " sociable " pour tout le monde ! Je suis triste car c'est ma dernière vacation, j'aime bien les vacations...Mon bateau est génial, je n'avais pas beaucoup d'expérience sur 60 pieds quand je l'ai pris. Ma priorité, c'était de faire avancer le skipper avant de faire avancer le bateau et c'était top, car il m'a permis de beaucoup naviguer, et du coup, de beaucoup m'entraîner. Il est tellement solide que j'ai eu la confiance d'envoyer les voiles quand il le fallait, sans avoir trop peur de casser quelque chose. J'ai beaucoup appris au cours de ce tour du monde et je suis sûre que je navigue dix fois mieux maintenant qu'au départ ! Mais je n'ai pas fini d'apprendre non plus, on le fait tous les jours et je vais continuer, pour progresser. »
Marc Guillemot (Safran) « En début de nuit, le vent a bien refusé, donc j'ai enlevé mon gennaker et je suis passé avec la trinquette, une voile de près, puis en milieu de nuit, le vent est monté jusqu'à 15 nœuds, nouveau changement de voile, avant de redescendre, donc j'ai remis la trinquette. Le gros changement, c'est la qualité du sommeil, par petites séquences, mais un sommeil récupérateur - j'ai même rêvé, ce qui ne m'était pas arrivé depuis longtemps. Il y a beaucoup moins de stress qu'avec le gennaker et ça me fait vraiment beaucoup de bien à la tête. J'ai pris un peu d'avance, je ne dis pas que c'était prévu, mais j'ai découvert ça en allumant mon ordinateur ce matin. Sam est entrée dans la dorsale qui nous est passée dessus et c'est forcément difficile pour elle. Maintenant, on est en course, Samantha est une super concurrente, mais c'est une concurrente quand même et je ne vais pas pleurer si je peux grappiller quelques milles. Ça me donne un tout petit peu d'espoir par rapport au classement, de l'énergie aussi et quand la tête va bien, le bateau va bien. Je serais très prudent quant à une ETA, car sur ce bord, tribord amure avec la grande dérive, ça se passe un peu mieux que ce que je prévoyais, mais d'ici samedi matin, je vais repartir bâbord amure en direction des Sables, avec la petite dérive et je n'ai aucune idée de comment ça va se passer. J'envisage une arrivée lundi après-midi, mais on reste dans l'inconnu, on est vendredi et il me reste encore 350 milles... Physiquement, je me situe bien. Je pense m'être correctement alimenté et je n'ai pas l'impression d'avoir maigri. Forcément, on perd un peu des jambes, car on manque d'activité à ce niveau-là, mais je mange correctement, souvent trois repas quotidiens et des petits-déjeuners copieux. J'avais pris plein de petits trucs en rab', des jambons, du chocolat, des céréales... Par contre, je ne vous inviterai pas à partager les déshydratés qui me restent, j'ai vraiment pris ça en plus, au cas où. Il y en a qui arrivent à ne s'alimenter qu'avec ça, moi j'ai du mal. Si vraiment ça ne passe pas, je mettrai ma ligne à thon derrière ! Enfin, le thon rouge étant interdit, il faudra que je fasse une sélection... »
Norbert Sedlacek (Nauticsport Kapsch) « Ça a été une journée très difficile pour moi ! Le fichier météo s'est complètement trompé et je n'étais pas préparé à 100% à ce qui arrivait, mais au final, ma "vieille dame" et moi ne nous sommes pas trop mal débrouillés. Il y a quelques dégâts, mais je vais m'occuper de nettoyer le bateau dans les jours à venir. La mer était énorme, avec des grains blancs et du vent aux alentours de 80 noeuds. L'océan avait un aspect fantastique et dynamique, avec de hautes et imprévisibles vagues, on aurait dit une bête dangereuse qui vous pousse dans toutes les directions et attend que vous fassiez une erreur, jusqu'à que vous et votre bateau finissiez en nourriture pour poisson ! »
Arnaud Boissières (Akena Verandas) « Les jours se suivent et se ressemblent un petit peu. J'ai eu droit à mes six heures de pétole et maintenant, il fait soleil, avec une petite brise printanière. Je suis en terrasse, je profite, avec un bon petit-déjeuner. Je marche à 7,5 nœuds, ce qui n'est pas très violent... De 3h à 9h du matin, j'étais vraiment arrêté, puis ça revient peu à peu dans la direction que j'attendais, avec une grosse houle orientée sud-ouest. Il y a pire comme conditions, je ne suis pas véloce, mais c'est quand même agréable. J'ai encore une semaine, dix jours, à profiter de tout ça, après c'est retour aux affaires et aux soucis terriens... En arrivant, je vais réparer tout ce qui est abîmé sur le bateau, puis, peut-être refaire des courses en fin d'année, la Jacques Vabre me tente bien. Peut-être même repartir sur une préparation de quatre ans pour la prochaine édition, il faut en discuter mais ça me plairait bien... En attendant, j'écoute un peu de musique, surtout au coucher du soleil : le vent s'en va, la pétole arrive, et ça adoucit les mœurs - il paraît. Les Red Hot, les Doors... J'aime bien la musique qui bouge. Par exemple : Carla Bruni, j'aime aussi, mais en photo…»
Estimation d'arrivée
Les dernières estimations d'arrivée de Samantha Davies tournent autour de 3h00 (heure française) car la navigatrice indiquait en début d'après-midi qu'elle progressait à plus de dix nœuds. Roxy restera au mouillage jusqu'au lever du jour et la Britannique a indiqué qu'elle embouquerait le chenal d'entrée du port des Sables d'Olonne vers 9h00.
Le classement de 16 heures
1- Michel Desjoyeaux (Foncia) arrivé aux Sables d'Olonne après 84j 03h 09'
2- Armel Le Cléac'h (Brit Air) arrivé aux Sables d'Olonne après 89 jours 9 heures 39 minutes et 35 secondes de course (après déduction de ses 11 heures de bonification)
3- Samantha Davies (Roxy) à 116,4 milles de l'arrivée
4- Marc Guillemot (Safran) à 306,2 milles de l'arrivée
5- Brian Thompson (Bahrain Team Pindar) à 385,7 milles de l'arrivée
6- Dee Caffari (Aviva) à 484,4 milles de l'arrivée
7- Arnaud Boissières (Akena Vérandas) à 1641,6 milles de l'arrivée
8- Steve White (Toe in the water) à 2224 milles de l'arrivée
9- Rich Wilson (Great American III) à 3810,6 milles de l'arrivée
10- Raphaël Dinelli (Fondation Océan Vital) à 4879,4 milles de l'arrivée
11- Norbert Sedlacek (Nauticsport-Kapsch) à 5313,9 milles de l'arrivée
RDG Vincent Riou (PRB), réparation accordée, classé 3e