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14 jours, 17 heures, 48 minutes et 10 secondes après le vainqueur, Kojiro Shiraishi a coupé la longue ligne d’arrivée ce jeudi 11 février, à l’heure du déjeuner. Après une nuit le long des côtes de l’Hexagone, à chercher comment passer devant Arnaud Boissières, à qui il succède sur la ligne pour seulement 02h 56min 50s, le Japonais a célébré dans une température glaciale, mais sur une mer maniable, l’ouverture d’une nouvelle page de l’histoire du Vendée Globe : il est en effet le premier navigateur asiatique à terminer l’Everest des Mers !
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LA COURSE DE KOJIRO SHIRAISHI
La mondialisation a parfois du bon, surtout quand elle concerne les hommes de mer. Kojiro, c’est d’abord l’histoire d’une curiosité. Comment un homme né à plus de 9 800 km des côtes vendéennes a-t-il pu embarquer dans une telle aventure ? La réponse est digne d’un roman. Le jeune Kojiro Shiraishi avait une idole : Yukoh Tada (207 jours au BOC Challenge entre 1982 et 1983), marin estimé devenu chauffeur de taxi pour éponger ses dettes. Kojiro l’avait retrouvé en fouillant l’annuaire, en multipliant les coups de fil avant de débarquer sur son palier à 4 heures du matin. Il avait été reçu, s’était excusé, puis avait dégusté deux bouteilles de saké en bonne compagnie. De quoi avoir, à son tour, des envies de s’élancer sur les océans.
Dans les pas de Yukoh Tada
Le Vendée Globe, Yukoh Tada avait envisagé d’y participer à la suite d’un coup de fil de Philippe Jeantot. L’impossibilité de réunir les fonds nécessaires avait eu raison de son ambition. Ce ne sera pas le cas de Kojiro, qui s’aguerrit à la Velux 5 Oceans (2 fois deuxième) et bénéficie des conseils de Bernard Stamm et Roland Jourdain. « Bilou » sera toujours là quand Kojiro débarquera en Bretagne il y a quelques années, et il sera de toutes ses aventures. Kojiro le lui rend bien, il affirme « se sentir comme chez lui en France » et s’élance, il y a quatre ans, pour son premier tour du monde.
Un 2e Vendée Globe, comme « une évidence »
Le grand public découvre en 2016 Kojiro Shiraishi et son duo complice formé avec Shota Kanta, qui s’évertue à traduire chacune de ses prises de parole. Son Vendée Globe, au cœur de « la nature brute et sauvage » qui le subjugue, s’arrête net au large de l’Afrique du Sud. Une avarie en haut du mât, l’émotion de devoir s’arrêter là et des larmes terminent trop vite cette édition.
Néanmoins, dès son retour à terre, il veut repartir - « Je n’ai jamais voulu fuir mes responsabilités » - et y participer à nouveau « à valeur d’évidence ». L’édition 2020, il la courra à bord d’un bateau neuf siglé DMG-Mori Global One, pensé par VPLP à partir des moules de Charal et construit en 2019 chez Multiplast. Ainsi, pour la 2e fois consécutive, une équipe de la NHK, la chaîne d’information japonaise, était présente aux Sables-d’Olonne. Certes, les tempes de Kojiro ont légèrement blanchi, mais le plaisir est intact. Les images sont presque identiques : c’est en kimono que Kojiro débarque sur les pontons, une tenue qu’a aussi revêtu ‘Bilou’ aussi pour les derniers éclats de rire avant de partir.
Si cruelle descente de l’Atlantique
Le skipper a des arguments pour jouer une place dans le ‘top 10’. Le bateau a été fait à sa mesure, compromis entre technique, rapidité et robustesse. L’été dernier, Kojiro réussit sa Vendée - Arctique - Les Sables-d’Olonne (10e à 6 h du vainqueur, Jérémie Beyou). Cette course lui permet de se qualifier pour le Vendée Globe.
Le Japonais est armé de cet enthousiasme intarissable qui a valeur de moteur en toute circonstance, entame alors sa deuxième tentative de tour du monde. Les faits de course se révèlent cruels, surtout au cœur d’une descente de l’Atlantique qui n’épargne personne.
Au cœur de Thêta, la dépression intertropicale, des problèmes de pilote automatique qui ont provoqué des empannages imprévus entraînent la casse de quatre lattes de grand-voile et une déchirure sur la partie haute de celle-ci. La course n’est plus. Il faut contacter le team, réparer, lutter contre les doutes et repartir. « C’était un petit exploit d’avoir réussi à réparer cette voile », confie Kojiro. Les jours passent, la progression continue, certes en 2e partie de flotte, mais elle continue.
Une place dans la grande histoire de la course au large
« Je suis content que les réparations tiennent. C’est presque un miracle ». À bord de DMG-Mori Global One, le miracle devient quotidien. Il tient bon face aux grains, face aux tempêtes, face aux aléas... Et l’exploit ne fait que réjouir Kojiro. « Tous les jours à être sur l’eau à naviguer, je suis le plus heureux du monde », confiait-il fin janvier. Ces quinze derniers jours, le scénario du Vendée Globe lui a même offert le luxe de disputer une dernière régate.
Un match à cinq avec Arnaud Boissières, Alan Roura, Stéphane Le Diraison et Pip Hare. Un match pour savourer jusqu’à la fin avant de franchir la ligne des Sables-d’Olonne. En y parvenant, l’élève Kojiro vient de dépasser le maître Tada. Premier Japonais à terminer le Vendée Globe, il est aussi le premier Japonais à conclure un tour du monde sans escale et sans assistance en solitaire. De quoi lui assurer une place au chaud, aux côtés de son mentor, dans la grande histoire de la course au large.