Si la première nuit a été très calme et donc plutôt bavarde à la VHF, la deuxième risque bien d’être beaucoup plus silencieuse. Quand on est lancé à plus de dix nœuds sous spi, on a tendance à limiter la conversation aux informations essentielles : « RAS, tout va bien à bord… » D’autant que les enjeux stratégiques demeurent : si pour les trois prochains jours, les solitaires vont être lancés comme des bolides sur l’autoroute atlantique, la situation n’est pas encore totalement claire à l’approche du golfe de Gascogne. D’où la tentation qui subsiste de gagner dans le nord de manière à pouvoir aborder les derniers milles avec du vent. Le milieu du golfe de Gascogne pouvant se révéler particulièrement piégeux et la prudence dicte bien de mettre en peu de nord dans sa route. Il reste que certains outsiders vont peut-être jouer la carte de la route directe : en réduisant le chemin à parcourir, ils peuvent espérer récupérer de précieuses heures sur les favoris.
En prototype, tous les favoris pointent aux avant-postes de la route du nord. Jörg Riechers (Mare.de) tient toujours la tête mais il doit sentir dans son tableau arrière, le souffle chaud de la meute des poursuivants lancés à ses trousses. Jörg qui avouait avant le départ des îles être assez sensible à la pression de la première place, saura-t-il résister ? Il ne faudrait pas que la belle mécanique mise en place depuis le départ des Sables d’Olonne se grippe, car ils sont nombreux derrière à vouloir en profiter. Sébastien Rogues (Eole Génération GDF Suez) mène la chasse de pair avec Thomas Normand (Financière de l’Echiquier) qui voudrait bien marquer de sa petite pierre cette deuxième étape. En série Xavier Macaire (Starter) et Davy Beaudart (Innovea Environnement) ont adopté des routes franchement divergentes puisque l’écart de cap entre les deux bateaux est de plus de 15°. Ysbrand Endt (Mediabrein) a pris la tête de la flotte à la faveur d’un virage à droite négocié bien plus tôt que ses adversaires. Vérité d’un jour vaut parfois illusion le lendemain. Sa position orientale au sein de la flotte vaut au navigateur néerlandais d’être le plus proche des Sables d’Olonne en distance au but. Mais on ne le sait que trop bien : la navigation à voile se complait plus dans la zigzagodromie que dans les trajectoires au cordeau.
Derniers signes
Malgré ces conditions idéales, certains concurrents déplorent quelques petites avaries mineures sans gravité mais qui peuvent vite plomber la vie d’un solitaire. Bruno Simonnet (El Nono) signalait ainsi quelques soucis avec son électronique qui par instant sans raison apparente, décroche brutalement. Benoît Lenglet (Evasol) a, quant à lui, déchiré son spinnaker et s’est engagé avec succès dans de menus travaux de voilerie. Bref, des incidents de la vie courante quand on est en course, mais qui témoignent aussi du niveau d’engagement des navigateurs.
En attendant de jouer de nouveau à saute-moutons sur les crêtes de vague, les navigateurs ont pu encore apprécier les signes de la proximité de l’archipel : rencontre avec des dauphins, voire croisement d’un cachalot, pétole, seul manquait le ciel étoilé qui sied si bien au cœur d’un anticyclone. Mais non… les Açores avaient revêtu leur costume gris, celui des jours de crachins. Histoire d’aider à passer à autre chose.