Dans la nuit noire, une houle formée, poussée par quinzaine nœuds de vent, l’étrave du bateau jaune a coupé la ligne mouillée dans le Sud la bouée Nouch Sud, toutes voiles dehors. Pas de temps à perdre pour Charlie Dalin : chaque minute compte pour l’établissement du classement final. Mais quelle que soit sa position sur le tableau, le skipper d’Apivia peut être fier : en phase avec ses ambitions, il a été sur l’eau l’homme fort de ce 9e Vendée Globe. Plus de 37 jours aux commandes de la flotte, soit 48 % du temps de course. Chapeau !
A bord de son plan Verdier de dernière génération, il prend une première fois les rênes le 11 novembre dans le Nord-Est des Açores. Puis, sa route est marquée par un grand contournement par l’Ouest de la dépression tropicale Thêta… un décalage d’une centaine de milles qu’il mettra quelques jours à combler lors de la descente de l’Atlantique Nord. Au passage de l’Equateur, il est déjà dans le trio de tête, derrière HUGO BOSS et LinkedOut. Les alizés de l’hémisphère Sud permettent à son foiler de prendre son envol : quelques journées s’enchaînent à belle vitesse. Au moment de contourner l’anticyclone de Sainte Hélène et alors qu’Alex Thomson est à l’arrêt pour réparer des fissures dans les cloisons de son bateau, le Havrais prend les commandes. S’ensuit une cavalcade en éclaireur dans le Grand Sud : passage de Bonne-Espérance puis de Leeuwin en pole position - avec comme principaux rivaux Thomas Ruyant, Louis Burton puis Yannick Bestaven.
Pour son premier Vendée Globe, celui qui avouait avant le départ apprécier la solitude, se révèle dans son élément, parfaitement maître de lui et de la situation. Ce compétiteur hors pair - 4 podiums sur la Solitaire du Figaro, victoire dans la dernière Transat Jacques Vabre à bord de son Apivia – a usé de toutes les armes pour défendre sa position.
Le 10 décembre, au sortir d’un très fort coup de vent qu’il est le seul à prendre de plein fouet avant le passage du cap Leeuwin, sa vitesse moyenne accuse le coup.
Le 14 décembre, Charlie est leader depuis 21 jours lorsque la casse de sa cale basse de foil bâbord survient et vient briser son élan. A la cape, engoncé dans une combinaison blanche, masque sur le nez, le skipper Apivia passe 18 heures à façonner une nouvelle cale basse en carbone et composite. Lorsqu’il repart, il ne reste rien de ses 60 milles d’avance, et c’est même avec un déficit de 135,5 milles sur LinkedOut et à peine moins sur Maître CoQ IV qu’il repart, foil bâbord inutilisable.
Mais Dalin encaisse, s’accroche et conserve sa place dans le trio pendant toute la traversée du Pacifique. Il passe le cap Horn en 2e position et négocie avec brio le gymkhana météorologique qui marque la remontée de l’Atlantique Sud. Il gagne plus de 400 milles sur Bestaven et retrouve sa place de leader le 12 janvier au large du Brésil, tandis que toute la meute des poursuivants, servie par une météo plus favorable, revient fort au contact. La suite se joue sur un à toi à moi avec Louis Burton. Dans la remontée de l’Atlantique Nord, le skipper d’Apivia reste à l’intérieur du virage, décalé dans l’Est de ses poursuivants, jusqu’à passer tout proche du cap Finisterre. Un stratégie gagnante !
Amoureux de la mer et des bateaux depuis ses premiers bords en Optimist à 6 ans, devenu architecte naval par passion, Dalin est un perfectionniste qui s’intéresse à tout et ne néglige aucun détail de sa préparation, technique, physique et mentale. Il partait sur son premier tour du monde avec un rêve de victoire et les moyens d’y parvenir, dont un bateau de dernière génération, parfaitement mis au point par l’équipe de Mer Concept. Quelle que soit l’issue du classement général, une certitude demeure : il a l’étoffe des grands champions.drag_hand