« J'ai passé une nuit dantesque… les pires conditions que j'ai rencontrées depuis le début de ce Vendée Globe. » Premier skipper joint ce midi à la vacation, Armel Le Cléac'h revient de loin. Il a passé toute la nuit en alerte dans le sas du cockpit, revêtu de sa combinaison de survie. Son plan Finot-Conq ne portait alors que le strict minimum : grand-voile réduite à 3 ris et rien devant. Armel a raconté les surfs à 20 nœuds, les rafales de vent à 60 et les creux abrupts de 9 mètres s'abattant sur le pont. Le tout dans une nuit d'encre déchirée d'éclairs sous de violents grains. Ce matin, le plus jeune navigateur de la flotte, visiblement fatigué, se remettait doucement de son stress. Sa difficile expérience prouve une fois de plus que les navigateurs du Vendée Globe ont plus de chances de rencontrer de forts coups de vent en hiver au large de l'Europe, qu'en été dans le Grand Sud. Heureusement, ses conditions de navigation devaient s'assouplir au fil de la journée. A midi, il n'avait plus que 20 à 25 nœuds de sud-ouest malgré une mer toujours grosse (7 à 8 mètres). Si tout va bien, le marin de Morlaix devrait tracer les 750 milles qui lui restent sur un seul bord, traverser une petite zone de calmes du côté du cap Finisterre puis être à nouveau propulsé par des vents portants jusqu'aux Sables d'Olonne où il est attendu entre vendredi 10 heures et samedi 16h00.
Suspense autour de l'anticyclone
Le duel à distance qui oppose Marc Guillemot à Samantha Davies et leurs différentes stratégies est particulièrement intéressant. Pour s'affranchir de l'anticyclone des Açores, le premier a choisi l'option académique qui consiste à contourner les hautes pressions par l'ouest, quitte à rallonger la ballade. Safran s'éloigne donc de la route, mais progresse à 15 nœuds pour récupérer plus au nord la voie express qui l'emmènera aux Sables d'Olonne. La seconde a préféré l'itinéraire direct. Mais elle navigue au près dans un flux de nord-est soutenu et une mer formée : son ascension vers le flux perturbé plafonne à 10 nœuds. Voici donc deux logiques face à face : plus vite sur un chemin plus long ou plus lentement mais sur un chemin plus court. L'enjeu est la troisième place de ce 6e Vendée Globe… et il faudra attendre vendredi soir ou samedi pour savoir qui avait raison.
Brian Thompson qui a eu maille à partir avec une fuite dans le système hydraulique de son unique vérin de quille, a perdu plusieurs heures ce matin pour nettoyer l'huile et réparer le tout. Auteur d'une très belle remontée de l'Atlantique, il se rapproche de jour en jour du duo franco-britannique avec qui il partage les mêmes systèmes météo. Interrogé sur ses intentions concernant l'anticyclone des Açores, il semblait opter pour la voie de l'ouest. Mais que ce soit pour lui ou sa fidèle cavalière Dee Caffari, les conditions de contournement seront plus favorables, à mesure que cette grande bulle se déplace vers le sud-est.
Champagne et rillettes
Arnaud Boissières est revenu hier soir dans un monde à l'endroit, là où le vent des dépressions tourne dans le sens inverse des aiguilles d'une montre et ceux des anticyclones de l'autre. A 19h43 très exactement, après 86 jours et 6 heures de course, il a franchi l'équateur au terme d'un pot au noir bienveillant qui ne l'a pas vraiment ralenti. Ce passage de la ligne a beau être le sixième de sa carrière de marin, 'Cali' n'a pas omis les offrandes à Neptune, sous forme de champagne… et de rillettes ! Ce matin sous une pluie torrentielle, il attendait avec impatience l'arrivée d'alizés soutenus, promis pour la journée.
Dans le sillage d'Akena Vérandas, Steve White profite d'alizés stables lui permettant de faire route au nord en direction du pot au noir, tandis que Rich Wilson, au large du Brésil, se retrouve coincé entre deux dépressions orageuses et connaîtra une progression par à-coups.
Dinelli en escale technique
Mais en ce 87e jour de course, les projecteurs étaient braqués sur les deux derniers concurrents. Raphaël Dinelli devait s'arrêter dans la baie de Stanley aux Malouines, à l'endroit même où Marc Guillemot avait réalisé son escale technique. Le skipper de Fondation Ocean Vital doit grimper dans son mât et procéder à la réparation de sa drisse de grand-voile. Il devait également profiter de ce mouillage pour recevoir des antibiotiques et des anti inflammatoires, ainsi que le règlement du Vendée Globe l'y autorise. Ces médicaments lui permettront de soigner des tendinites chroniques au coude - avec risque inflammatoire- dont il souffre depuis le départ.
Norbert au cap Horn
Aujourd'hui à 15h07, soit 30 jours 10 heures et 57 minutes après Michel Desjoyeaux, Norbert Sedlacek doublait le cap Horn. Il est le dernier des 11 concurrents à entrer dans l'océan Atlantique. Norbert est aussi le premier navigateur autrichien à doubler le rocher en course et en solitaire, après une première expérience en croisière. Fourbu mais heureux de franchir le troisième et dernier des grands caps de ce Vendée Globe, il a fêté son passage au champagne et devait ouvrir quelques cadeaux laissés par ses proches pour l'occasion.
Le classement de 16 heures le 04/02/09 :
1- Michel desjoyeaux (Foncia) arrivé aux Sables d'Olonne après 84j 03h 09'
2- Armel Le Cléac'h (Brit Air) à 741,6 milles de l'arrivée
3- Samantha Davies (Roxy) à 2011,9 milles de l'arrivée
4- Marc Guillemot (Safran) à 2211 milles de l'arrivée
5- Brian Thompson (Bahrain Team Pindar) à 2377,6 milles
6- Dee Caffari (Aviva) à 2634,8 milles
7- Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) à 3114,7 milles
8- Steve White (Toe in the water) à 3998,5 milles
9- Rich Wilson (Great American III) à 5468,3 milles
10- Raphaël Dinelli (Fondation Océan Vital) à 6603,4 milles
11- Norbert Sedlacek (Nauticsport-Kapsch) à 7017,8 milles