Bataille tactique d'envergure
Au sud, Loïck Peyron (Gitana Eighty) comme Sébastien Josse (BT) ont pu profiter de leur position en tête de flotte pour choisir l'option d'allonger leur route pour aller chercher les vents portants. Le risque pour eux est moindre car ils ont toujours la possibilité de mettre le clignotant à gauche si jamais leurs poursuivants infléchissent leur route. Pour eux, c'est un œil sur l'étrave et l'autre dans le rétroviseur. A l'est, Jean Le Cam comme Yann Elies (Generali) tentent de rallier la première porte des glaces en coupant au plus court. Pour refaire son retard le skipper de VM Matériaux a choisi une stratégie à fort taux de risque : si leur route est la plus proche de l'orthodromie, Jean Le Cam et Yann Elies savent qu'ils vont flirter avec l'anticyclone : que Sainte-Hélène se décide à leur ouvrir la route et ils peuvent espérer toucher le gros lot. Que l'anticyclone continue de paresser dans l'ouest de sa position normale et le piège peut se refermer sur les deux navigateurs. On comprend mieux pourquoi le gros de la flotte a choisi d'adopter une attitude plus conservatrice : l'adage populaire qui dit " dans le doute, abstiens-toi " fait florès… Mais il reste qu'à ne pas vouloir perdre, on risque parfois de ne pas pouvoir gagner beaucoup. Mais se dire que la route est encore longue n'est-il pas le signe d'une certaine sagesse, à l'heure de venir frotter les moustaches du grand méchant sud ?
La tête ailleurs
Le sud : tout le monde y pense déjà. Car chacun sait que si le passage de l'anticyclone a mobilisé les esprits et les corps, la transition risque d'être brutale. D'ici quarante-huit heures, la tête de flotte sera dans les fameux Quarantièmes Rugissants. Commencera alors la longue sarabande qui les mènera jusqu'au Cap Horn vers la fin du mois de décembre : températures en baisse, ciels bas, cavalcades infernales sur la houle, veille des icebergs… Ceux qui connaissent savent qu'ils vont changer de mode de fonctionnement : entrer dans sa bulle, veiller à ménager le matériel, encaisser des surfs inquiétants quand le bateau navigue sous pilote et qu'on cherche le repos. Les autres, les bizuths du grand sud tentent de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Cette bagarre-là, ils en ont rêvé mais il reste, qu'à l'heure de sauter le pas, les inquiétudes se font plus pressantes. Rien de tel pour chasser ces appréhensions que de se raccrocher à du concret : on fait le tour du bateau pour vérifier les mille et un points de détails, on profite d'une accalmie pour monter dans le mât vérifier que tout fonctionne, on fait du rangement. On récure le bateau comme le bonhomme. C'est bien connu, les grands ménages de printemps, outre leur intérêt pratique, ont aussi des vertus psychologiques dont on ne vantera jamais assez les bienfaits.
Les 5 premiers au pointage de 16h00
1- Sébastien Josse (BT) à 19465,9 milles de l'arrivée
2- Jean Le Cam (VM Matériaux) à 3,9 milles du premier
3- Yann Elies (Generali) à 5,4 milles du premier
4- Loïck Peyron (Gitana Eighty) à 7,8 milles du premier
5- Armel Le Cleac'h (Britair) 12,7 milles du premier
Classement des premiers étrangers
9- Mike Golding (Ecover) à 35,1 milles du premier
11- Brian Thompson (Bahrain Team Pindar) à 167,1 milles du premier
12- Dominique Wavre (Temenos 2) à 185,1 milles du premier