Tête de liste des écologistes aux élections européennes de mai prochain, Yannick Jadot commet ici un livre coup de poing pour appeler les citoyens à se réapproprier notre commun destin européen. Car nous ne sommes condamnés ni à l’arnaque libérale, ni au hold-up populiste. L’Europe est et sera ce que l’on fait d’elle…
« Je sais ce que vous pensez de l’Europe actuelle. Je vous entends le murmurer… Ou le crier haut et fort. Je vous vois vous insurger contre ce “machin” – pour parodier les paroles du Général de Gaulle évoquant l’ONU – ; cette chose technocratique qui nous imposerait des directives dictées par les lobbys. Comment vous en vouloir et surtout comment vous donner tort ? Quand trop souvent encore l’Europe se galvaude sur l’autel des intérêts de quelques-uns.
Comment ne pas comprendre votre désarroi quand je la vois incapable de protéger notre jeunesse. Quand elle abandonne, en France, un jeune sur cinq dans un chômage destructeur, un sur trois en Italie et en Espagne, un sur deux en Grèce. Quand elle soutient des politiques qui multiplient les travailleurs pauvres et précaires. Délaisse les quartiers populaires comme les zones rurales, sacrifie les services publics ou refuse de prendre au sérieux la transition écologique. Se plie aux lobbys des pesticides, du nucléaire, du pétrole ou du diesel. Se divise face à Trump, Poutine, Xi Jinping ou Erdogan. Implose lorsque frappe à nos portes une part, juste une infime part, de la misère du monde…
Vous peinez à vous projeter dans cette Europe-là ? Je ne le comprends que trop bien. Je partage votre désarroi. Mais mon ressentiment, ce n’est pas vis-à-vis de l’Europe que je l’ai. Mais de ces majorités politiques qui la gouvernent actuellement. Nous ne sommes condamnés ni à l’arnaque libérale, ni au hold-up populiste. L’une serait le rempart de l’autre ? Foutaise, elle en est le marchepied.
Je veux vous dire mon amour de l’Europe et ma détermination à la faire évoluer. Je veux vous raconter pourquoi en 2009, après douze années dans la solidarité internationale et sept passées à la direction des campagnes de Greenpeace France, j’ai choisi de m’engager corps et âme pour elle. Je veux vous convaincre qu’il n’y a pas plus vivant, plus novateur, plus porteur d’espoir que l’Europe. Qu’elle est une aventure, notre aventure et celle des générations futures.
Je veux vous raconter mes combats quotidiens en son sein. Mes victoires arrachées de dure lutte contre les lobbys. Les plans de bataille que nous mettons en œuvre pour déjouer leurs plus noirs desseins. Les heures passées à œuvrer pour les faire reculer. Je ne vous cacherai pas les difficultés auxquelles nous devons faire face. La dureté de ce milieu. Le cynisme de certains. Le renoncement de tant d'autres. Mais quel bonheur quand, enfin, on l’emporte. Quelle joie d’avoir gagné sur la pêche électrique ou l’interdiction de l’huile de palme dans les agro-carburants, sur la protection des données personnelles. Quelle satisfaction quand on arrache des avancées contre le dumping social et environnemental. Quand on gagne la bataille de l'opinion – à défaut de gagner les décisions gouvernementales – contre ces accords de libre-échange qui n'ont de “libre” que le nom.
Je ne vous cacherai pas non plus mes défaites – et (hélas !), elles sont nombreuses. Pourtant, rien ne serait pire que d’abonner, de renoncer, et de leur laisser à eux, à cette clique sans foi ni loi, « notre » Europe. C’est ce qu’ils veulent, alors ne lâchons rien.
Vous avez raison. Les lobbys sont à l’œuvre au sein de notre belle Europe. Mais ne nous trompons pas de combats. Ils le sont aussi au niveau national. Ce n’est pas l’Europe qui est fautive, c’est le comportement de certains de nos dirigeants et de trop nombreux députés qui agissent en véritables rentiers du vieux monde et sacrifient notre futur aux habitudes et aux intérêts de quelques-uns, à la finance casino, aux énergies sales et à la compétition de tous contre tous. Celles et ceux pour qui l'Histoire se résume à leur destin personnel.
Et qui se disent Européens…
Laissez-moi vous raconter une anecdote, quand nous obtenons de l’Europe de retirer l’huile de palme des agro carburants, qui monte au créneau pour la défendre et pouvoir l’utiliser plus longtemps ? La France ! Pour protéger les intérêts de Total…
L’Europe n’est pas un monstre. Elle n'est ni un Traité ni une commémoration. Elle est ce que l’on fait d’elle. Contre l’Europe des multinationales, construisons l’Europe des citoyens. Contre une mondialisation libérale qui explose les limites de la planète, maltraite les femmes, les hommes et l’ensemble du vivant, faisons de l’Europe le fer de lance du combat pour les biens communs – climat, biodiversité et solidarité. Contre le repli identitaire et les fractures territoriales, bâtissons l’Europe des terroirs, celle qui favorise l’ancrage d’identités multiples et la construction d’une société ouverte à l’échelle de la vie quotidienne, celle qui permet le retour de confiance culturelle et sociale autour d’enjeux majeurs comme la nature, le cadre de vie, la mobilité, l’alimentation, les énergies, l’économie et les emplois relocalisés.
L’Europe c’est nous, c’est vous, c’est moi, ce sont nos enfants. C’est notre horizon civilisationnel. Retrouvons le courage de nos pères fondateurs. Assumons pleinement notre responsabilité face aux défis du monde d’aujourd’hui.
Nous sommes aujourd’hui devant un choix crucial : la laisser aux mains de ses fossoyeurs et finalement la voir dépecée par les vautours nationalistes ou construire, avec toutes les énergies de notre pays, une Europe écologique, démocratique et solidaire. »
Yannick Jadot
« Je sais ce que vous pensez de l’Europe actuelle. Je vous entends le murmurer… Ou le crier haut et fort. Je vous vois vous insurger contre ce “machin” – pour parodier les paroles du Général de Gaulle évoquant l’ONU – ; cette chose technocratique qui nous imposerait des directives dictées par les lobbys. Comment vous en vouloir et surtout comment vous donner tort ? Quand trop souvent encore l’Europe se galvaude sur l’autel des intérêts de quelques-uns.
Comment ne pas comprendre votre désarroi quand je la vois incapable de protéger notre jeunesse. Quand elle abandonne, en France, un jeune sur cinq dans un chômage destructeur, un sur trois en Italie et en Espagne, un sur deux en Grèce. Quand elle soutient des politiques qui multiplient les travailleurs pauvres et précaires. Délaisse les quartiers populaires comme les zones rurales, sacrifie les services publics ou refuse de prendre au sérieux la transition écologique. Se plie aux lobbys des pesticides, du nucléaire, du pétrole ou du diesel. Se divise face à Trump, Poutine, Xi Jinping ou Erdogan. Implose lorsque frappe à nos portes une part, juste une infime part, de la misère du monde…
Vous peinez à vous projeter dans cette Europe-là ? Je ne le comprends que trop bien. Je partage votre désarroi. Mais mon ressentiment, ce n’est pas vis-à-vis de l’Europe que je l’ai. Mais de ces majorités politiques qui la gouvernent actuellement. Nous ne sommes condamnés ni à l’arnaque libérale, ni au hold-up populiste. L’une serait le rempart de l’autre ? Foutaise, elle en est le marchepied.
Je veux vous dire mon amour de l’Europe et ma détermination à la faire évoluer. Je veux vous raconter pourquoi en 2009, après douze années dans la solidarité internationale et sept passées à la direction des campagnes de Greenpeace France, j’ai choisi de m’engager corps et âme pour elle. Je veux vous convaincre qu’il n’y a pas plus vivant, plus novateur, plus porteur d’espoir que l’Europe. Qu’elle est une aventure, notre aventure et celle des générations futures.
Je veux vous raconter mes combats quotidiens en son sein. Mes victoires arrachées de dure lutte contre les lobbys. Les plans de bataille que nous mettons en œuvre pour déjouer leurs plus noirs desseins. Les heures passées à œuvrer pour les faire reculer. Je ne vous cacherai pas les difficultés auxquelles nous devons faire face. La dureté de ce milieu. Le cynisme de certains. Le renoncement de tant d'autres. Mais quel bonheur quand, enfin, on l’emporte. Quelle joie d’avoir gagné sur la pêche électrique ou l’interdiction de l’huile de palme dans les agro-carburants, sur la protection des données personnelles. Quelle satisfaction quand on arrache des avancées contre le dumping social et environnemental. Quand on gagne la bataille de l'opinion – à défaut de gagner les décisions gouvernementales – contre ces accords de libre-échange qui n'ont de “libre” que le nom.
Je ne vous cacherai pas non plus mes défaites – et (hélas !), elles sont nombreuses. Pourtant, rien ne serait pire que d’abonner, de renoncer, et de leur laisser à eux, à cette clique sans foi ni loi, « notre » Europe. C’est ce qu’ils veulent, alors ne lâchons rien.
Vous avez raison. Les lobbys sont à l’œuvre au sein de notre belle Europe. Mais ne nous trompons pas de combats. Ils le sont aussi au niveau national. Ce n’est pas l’Europe qui est fautive, c’est le comportement de certains de nos dirigeants et de trop nombreux députés qui agissent en véritables rentiers du vieux monde et sacrifient notre futur aux habitudes et aux intérêts de quelques-uns, à la finance casino, aux énergies sales et à la compétition de tous contre tous. Celles et ceux pour qui l'Histoire se résume à leur destin personnel.
Et qui se disent Européens…
Laissez-moi vous raconter une anecdote, quand nous obtenons de l’Europe de retirer l’huile de palme des agro carburants, qui monte au créneau pour la défendre et pouvoir l’utiliser plus longtemps ? La France ! Pour protéger les intérêts de Total…
L’Europe n’est pas un monstre. Elle n'est ni un Traité ni une commémoration. Elle est ce que l’on fait d’elle. Contre l’Europe des multinationales, construisons l’Europe des citoyens. Contre une mondialisation libérale qui explose les limites de la planète, maltraite les femmes, les hommes et l’ensemble du vivant, faisons de l’Europe le fer de lance du combat pour les biens communs – climat, biodiversité et solidarité. Contre le repli identitaire et les fractures territoriales, bâtissons l’Europe des terroirs, celle qui favorise l’ancrage d’identités multiples et la construction d’une société ouverte à l’échelle de la vie quotidienne, celle qui permet le retour de confiance culturelle et sociale autour d’enjeux majeurs comme la nature, le cadre de vie, la mobilité, l’alimentation, les énergies, l’économie et les emplois relocalisés.
L’Europe c’est nous, c’est vous, c’est moi, ce sont nos enfants. C’est notre horizon civilisationnel. Retrouvons le courage de nos pères fondateurs. Assumons pleinement notre responsabilité face aux défis du monde d’aujourd’hui.
Nous sommes aujourd’hui devant un choix crucial : la laisser aux mains de ses fossoyeurs et finalement la voir dépecée par les vautours nationalistes ou construire, avec toutes les énergies de notre pays, une Europe écologique, démocratique et solidaire. »
Yannick Jadot